Témoignage de Catherine - maman d'une fille lesbienne

Témoignage de Catherine - maman d'une fille lesbienne

07/12/2017

Voilà longtemps que j'avais le pressentiment que ma fille était homosexuelle, sans me l'avouer. Petite, quand Caroline partait en colonie de vacances, elle craquait toujours pour des monitrices, à l'âge où les gamines s'entichent plutôt de leur moniteur. Je me posais des questions, sans trouver de réponses. Et puis ma fille s'est mise à me lancer de plus en plus de perches, par exemple en me parlant de films qu'elle souhaitait voir et qui traitaient de l'homosexualité. Elle disait aussi très souvent qu'elle n'était pas prête d'avoir des enfants.

Je rassemblais tous ces indices, sans en tirer vraiment de conclusion. Mais il y a trois ans, je me suis permise de lire des notes qui traînaient sur son bureau. Caroline y racontait qu'elle était attirée par d'autres filles, elle parlait de l'amour entre personnes du même sexe. C'était très explicite. Mes doutes ont été confirmés : ma fille qui avait alors 17 ans était homosexuelle. Mais pour me rendre complètement à l'évidence, j'avais besoin que Caroline me le dise elle-même. J'avais préparé une petite liste de sujets dont je voulais discuter avec elle sur son école, son orientation. J'avais inscrit cette question parmi d'autres : et tes préférences ? Elle m'a répondu très simplement : je préfère les filles.

Lors de cette première discussion, nous ne sommes pas allées plus loin. À l'époque, ma fille vivait bien son homosexualité. Elle avait 17 ans, tout s'ouvrait à elle, elle se sentait très bien dans sa peau. Elle n'éprouvait pas le besoin d'en parler et je me suis retrouvée très seule face à cette révélation. Même si j'étais sûre de ce qu'elle allait répondre, cela a quand même été un choc. Je me suis soudain sentie enfermée dans un placard de silence, une cellule aux parois très rapprochées.

Je me suis évidemment demandé ce que j'avais raté dans son éducation, les erreurs que j'avais pu commettre. Mais cette culpabilité est passée assez rapidement. En revenant en arrière et en constatant que Caroline avait toujours été attirée par les filles, j'ai fini par me dire que je n'y étais sans doute pour rien. Je ne me sentais pas honteuse non plus, je ne redoutais pas le « qu'en dira-t-on ». Je me faisais tout simplement du souci pour ma petite fille, j'avais peur de l'incompréhension des autres. Elle allait faire partie d'une minorité, je craignais qu'elle soit discriminée, agressée, qu'elle vieillisse seule, isolée au milieu des autres, qu'elle ne puisse pas avoir d'enfants alors qu'elle les adore. En plus, j'ignorais tout de l'homosexualité, de la façon dont vivent les homosexuels, ce qu'ils ressentent. J'avais bien des amis homos mais nous n'avions jamais abordé ce sujet ensemble. J'étais face à l'inconnu et c'est surtout cela qui m'angoissait.

J'ai alors cherché à m'informer à tout prix. Je suis allée sur Internet pour participer à des groupes de parole et de discussions. J'ai pu poser toutes les questions que j'avais dans la tête à des homos et parents d'homos. Au début, je n'avais qu'un seul but : comprendre pourquoi. Toutes les réponses qu'on m'a fait allaient dans le même sens. Il n'y a pas d'explication à l'homosexualité, il n'y a rien d'autre à faire que de constater l'homosexualité de son enfant. Ce n'est pas un choix de sa part, mais un fait. En comprenant cela, j'ai beaucoup avancé. Comme j'avais besoin de me confier de vive voix, de partager ce qui m'arrivait avec d'autres personnes vivant la même chose, je me suis tournée vers une association de parents d'homosexuels. J'ai participé à des réunions, des rencontres. C'est ce qui m'a sauvée de l'enfermement !

Quand Caroline a décidé d'en parler à son père, mon ex-mari, cela s'est très mal passé. Il a refusé de la voir pendant six mois, lui lançant à la figure qu'elle n'était plus sa fille. Pour lui l'homosexualité était un choix contre nature. Je lui ai donné des livres et des articles à lire, j'ai tenté de lui expliquer. Finalement, il a accepté de revoir Caroline, mais il n'aborde jamais le sujet.

Moi, je n'ai pas choisi cette politique du silence avec ma fille. Ce qui m'importe avant tout, c'est de maintenir le contact et la communication. Elle me raconte ses aventures et ses coups de foudre, exactement de la même façon que mon fils de16 ans me parle des filles dont il tombe amoureux. Je ne vois pas de différence entre les amours de mes deux enfants. Caroline sait qu'elle peut me présenter ses amies, que je les reçois sans problème. Au début, c'est assez déstabilisant de voir sa fille avec une autre femme, puis on s'habitue. De toute façon, Caroline ne pourra jamais changer, j'ai donc tout à gagner à essayer de la comprendre… et tout à perdre en la rejetant.

Aujourd'hui qu'elle a 20 ans, je crois que Caroline a plus que jamais besoin de moi, de mon soutien. Elle est en train de franchir un nouveau cap. Elle découvre la crainte de l'agression et le regard parfois accusateur des autres, la difficulté d'être différente. À 17 ans, elle sortait beaucoup en boîte homo car elle avait sans doute besoin d'appartenir à un groupe, de rencontrer des gens comme elle. Maintenant, elle recherche plutôt l'anonymat et ne veut surtout pas être cataloguée comme homosexuelle. Elle redoute les propos homophobes, les insultes : il faut savoir que cela arrive malheureusement souvent.

De mon côté, je suis très discrète sur ma vie privée. Au travail par exemple, personne n’est au courant de l'homosexualité de ma fille. Je n'ai pas envie d'être obligée d'en parler ni que ce sujet devienne source de racontars au sein de la petite entreprise dans laquelle je travaille. Même dans ma famille, je n'ai jamais abordé la question ni avec ma mère, ni avec mes frères. Je ne les crois pas prêts à recevoir cette nouvelle, à la comprendre, l'accepter. Tout le monde s'en doute certainement, mais personne n'en parle… Alors que je me sens capable de mener une croisade à l'autre bout de la terre pour que les homos puissent vivre mieux et que les esprits s'ouvrent, je ne parviens pas à le faire dans ma propre famille : Le frère de Caroline était en revanche au courant bien avant moi, car sa sœur lui avait fait des confidences. Mes deux enfants sont très complices et très liés. Éric l'a très bien pris, comme quelque chose de parfaitement naturel. La jeune génération est beaucoup plus tolérante et moins prisonnière de tabous que nous. Cela me donne de l'espoir pour l'avenir de ma fille…

Catherine, CONTACT Paris - Île-de-France

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